Oui, le monde change ! Celui dans lequel nous vivons aujourd’hui n’est pas celui dans lequel nous sommes nés. Les technologies, les mentalités, les usages sociaux, les valeurs, changent et il est vain de vouloir aller contre cette évolution naturelle. Et bien sur, le libertinage change aussi …
Toutefois, faut il accepter le changement juste parce que c’est le changement ? Faut il accepter les nouveaux usages juste parce qu’ils sont nouveaux ? Faut il accepter la modernité juste parce qu’elle est moderne ?
Je ne veux pas entrer ici dans un développement sur la dynamique des systèmes complexes, mais constatons simplement que l’évolution des systèmes à ceci de particulier que lorsqu’elle est naturelle, elle est bénéfique au système.
Le changement volontariste en revanche, imprégné du dogme de la modernité, n’entraîne le plus souvent que des disfonctionnements, si ce n’est même parfois l’effondrement du système.
Une nouvelle religion
Ce dogme de la modernité fonctionne comme une religion, par des interdits, des tabous, par la désignation absolue du bien et du mal, par la diabolisation des pensées alternatives, et condamne toute réflexion sur sa pertinence par des sentences qui relèvent quasiment de la formule magique. La ringardisation systématique de tout attachement, même argumenté, à des principes précédents ou à des valeurs anciennes en est l’arme principale, qui conduit à annihiler toute forme de réflexion, puis par voie de conséquence, toute expression de l’intelligence.
Il y a le bien (c’est ce avec quoi on est d’accord), et il y a le mal (c’est tout le reste !)
Les grands prêtres de cette nouvelle religion, souvent autoproclamés, identifient des problèmes, souvent même ils les fabriquent eux même par leurs mots et leurs actions et s’imaginent que par la toute puissance de leur pseudo pensée, ils vont les résoudre en quelques mots, quelques règles, quelques lois. Tout leur semble facile et évident parce qu’ils ont perdu la vision profonde et la capacité à mesurer la complexité des paramètres et la difficulté de l’analyse. L’expertise, ou même simplement la connaissance, n’est plus perçue comme une nécessité. Chacun s’improvise spécialiste et donne à son opinion une valeur d’avis éclairé. Les « influenceurs » deviennent médecins, les chanteurs deviennent sociologues, et ainsi le monde s’écroule tranquillement à mesure que l’expérience et l’intelligence sont déconsidérées par ceux qui en sont dépourvus.
La médiocrité comme modèle
A gommer le passé, on devient ignorant des fondamentaux, qu’ils soient culturels, sociétaux ou même économiques ou historiques. On méconnaît les mécanismes de construction de notre société, on oublie les raisons qui ont amené tel ou tel comportement, telle ou telle structure sociétale et on perd le sentiment d’appartenir à une histoire, on perd ses racines et l’on devient culturellement et socialement stérile.
Le culte de la modernité est le prétexte à toutes les faiblesses. Le travail, c’est ringard, l’orthographe, c’est ringard, le respect, c’est ringard, la performance, c’est ringard, l’intelligence, c’est ringard. On justifie ainsi toutes les paresses, toutes les ignorances, et on fait émerger une post culture de l’inculture et, pour finir, de la médiocrité.
N’ayant aucune cohérence, cette post culture dégénérescente est chaotique, soutient des thèses contradictoires, détruit systématiquement les piliers de la stabilité sociale, n’effleure que la surface des choses sans même imaginer qu’il puisse y avoir des socles nécessaires. Elle prétend construire mais ne fait qu’assembler des blocs informes sur un tas de sable. Elle déconstruit, et même revendique cette déconstruction.
Elle prétend inclure mais exclu tout ceux qui ne sont pas alignés dans ses rangs, elle se prétend protectrice des faibles et des opprimés, mais ne voit pas l’insulte qu’elle leur fait en les déclarant faibles et opprimés. Elle se veut ouverte à tout mais ne voit pas que « tout » est inclusif de « n’importe quoi ».
Le langage est affaibli, atténué, transformé. Les mots perdent leur sens et se raréfient. Et en même temps se perd ainsi la capacité à exprimer, à concevoir les formes complexes. Ne reste que le simple, le facile, l’immédiat. Chaque appauvrissement de la langue est un clou qui ferme le cercueil de l’intelligence collective, mais aussi individuelle.
Elle refuse le débat, parce qu’elle a perdu, avec l’intelligence, cette capacité à débattre et à envisager le point de vue de l’autre.
Elle construit une société dans laquelle la frustration n’est plus acceptable, alors que c’est pourtant le point clé de la construction adulte. Et dans cette société infantile, l’émotion se substitue à la raison.
Il en ressort un fascisme rampant, auquel répondent des régimes en forme de dictatures molles.
La liberté de l’individu est, comme c’est le cas chaque fois qu’émerge et s’impose un de ces courants délirants, la victime principale de cette religion moderne.
Libertinage
Une fois qu’on a perdu les libertés et l’intelligence, que reste-t-il du libertinage ?
On voit fleurir sur les réseaux sociaux un tas de paltoquets qui se prétendent libertins uniquement parce qu’ils parlent de sexe plus ou moins librement. Et certains même revendiquent cette médiocrité relationnelle comme une forme de rébellion contre la dimension bourgeoise prétendument passéiste du raffinement libertin.
Ceux qui envoient des photos de leur bite comme seul argument de séduction, celles qui se croient irrésistibles et jouent les stars, ceux qui se prétendent exigeants et « d’un haut niveau» ; ceux qui agressent, ceux qui opposent, ceux qui dénigrent, ceux qui accusent ; En quoi portent-ils des valeurs libertines ?
Où sont chez ces gens là les notions de respect, d’intelligence, de séduction, de bienveillance, qui ont construit le libertinage ?
Le libertin était aux temps romains un esclave affranchi (libertinus), puis il est devenu celui qui remet en question les dogmes et les règles morales imposées. Il est celui qui cherche, celui qui veut comprendre, qui n’accepte pas les interdits non légitimes. Il rejette la diabolisation du plaisir. Il explore, il découvre, il expérimente, mais on pourrait aussi dire : il s’explore, il se découvre, il s’expérimente.
Le libertinage est une philosophie, c’est même à mon sens un parcours initiatique. Il démarre avec des envies, des croyances et des certitudes, puis ces envies évoluent, ces croyances disparaissent et ces certitudes explosent et laissent la place à une meilleure connaissance de soi.
C’est en ce sens d’ailleurs, que, n’en déplaisent à certains, le BDSM est bien à part entière une pratique libertine. C’est une voie initiatique, comme peuvent l’être d’autres pratiques du libertinage ramené à sa dimension sexuelle, mais sans en exclure la dimension intellectuelle.
Comme toutes ces voies, il demande de la finesse, de l’intelligence, de la subtilité.
Se balader avec un fouet et le faire claquer ne suffit pas. Encore faut il savoir s’en servir pour amener son partenaire à se découvrir, à progresser et à connaître ses limites véritables. Se déclarer Maître ne suffit pas, encore faut-il être capable de prendre conscience et d’assumer la lourde responsabilité que cela implique pour l’autre.
Montrer sa bite ne suffit pas à être libertin. Encore faut il savoir construire le moment qui amènera éventuellement à le faire, par le dialogue, la séduction, l’intelligence, l’établissement d’un lien, la perception de l’autre. Alors tout sera possible, y compris le plus sauvage, le plus intense, le plus décadent et le plus torride.
Les religions, y compris les religions modernes, imposent une morale dogmatique pour maitriser les troupeaux et finalement s’assurer qu’ils aillent tous dans le bon pré. Celui qui est bon pour eux, ou celui qui est bon pour le berger, selon les régimes.
Être libertin, c’est être capable de faire sauter les verrous de cette morale. Mais le faire sans conscience ni discernement est dangereux, tout autant pour l’individu que pour la société.
C’est cette capacité à user de sa conscience et de son discernement qui distingue le libertin du triste queutard …
Et ceci, quoiqu’en pensent les modernistes, ne doit pas changer, sauf à accepter la dissolution de cette intelligence sociale particulière qu’est le libertinage dans un magma de pulsions informes et non maîtrisées, qui ne relèvent que de l’animalité la plus élémentaire.
Hello mon ami, tu as tellement raison…
Et je suis parfois lassé de constater cette modernité intellectuelle que certains te balance au visage, surtout face à un vieux Bob Morane qui a toujours respecté les règles des anciens.
Comme toute civilisation sommes nous arrivé à l’apogée ?
Courage
Merci pour cet écrit, il reflète exactement ma pensée sur le monde actuel et une vue assez consumériste, affligeante et youtuber (de notre point de vue) de certains libertins… Que nous fuyons… 😂
Salut Diego,
J’ai trouvé ton texte criant de vérités, mais aussi riche de trésors et de valeurs que je n’ai certainement pas connu et peut être ne connaîtrait pas.
Ne fréquentant le milieu libertin que depuis 5 ans, seule ou en couple, je suis tombée sur pas mal de gens qui se prétendent libertins simplement car ils sont « libérés » (ou du moins qui croient l’être) sexuellement.
J’ai toujours pensé qu’être libertin s’est avant tout un état d’esprit, et c’est surtout ne pas se soumettre à la règle si elle est injuste, ni « s’accommoder » de la Norme … alors peut être que l’image est faussée par mon tempérament de rêveuse anarchiste, seul le temps et les expériences le diront.
Bonjour Diego,
Je viens seulement de lire cette parution et comme Esteban, je dois vous dire que vous avez 100 fois raison !
Mais s’il m’arrivait d’engager une conversation sur un des sujets que vous commentez, pour exposer mon point de vue, je passerai sûrement pour un vieux con ! Ce que je suis peut-être… lol