Le fouet …

La pièce est chaude, marquée par l’odeur des corps qui ont sués sous l’effort et le plaisir. La lueur rouge des quelques lampes voilées qui l’ombrent révèle d’étranges appareils, chevalets d’où proviennent des soupirs étouffés, piloris qui gémissent, et autres agrès de bois, munis de pièces de cuir et de chaînes qui entourent des mains, des pieds et des torses.  Des cordes et des crochets tombent du plafond, au bout desquels des corps encordés attendent une délivrance prochaine.

Elle est nue, exposant son corps sans pudeur, sans provocation ni complexes. Elle est simplement nue, les mains retenues par des gantelets de cuirs enchaînés au plafond, exposée aux lanières qui vont bientôt lui cingler le dos.

Lui, torse nu et en pantalon de cuir, choisit l’instrument de leurs désirs. Il soupèse, évalue, manie, caresse le cuir, puis s’arrête sur un fouet souple et long, qu’il sent être à cet instant celui qui va les unir, elle dans l’émotion intense, et lui par l’attention consciente qu’il portera à l’amener aux limites de l’extase.

Un dernier baiser, un regard qu’ils échangent où se lit toute la confiance qu’elle lui porte, son abandon total, auquel il répond par tout l’amour que l’on puisse imaginer mettre dans un regard.

Il y a dans le sien aussi la gratitude qu’il éprouve pour cet abandon, pour le plaisir qu’elle va lui donner, qu’il va trouver à construire de ses lanières le parcours sensoriel et émotionnel qui va l’amener, elle, à un ultime orgasme mental.

Il se met en place.

Ecartant les bras pour mieux accueillir ce qui va venir, comme s’il se connectait à un monde transcendant, il s’assène un coup violent du fouet qu’il va lui appliquer.

Puis il prend ses marques, et commence alors une litanie de mouvements, réguliers, fermes, puissants. Le fouet est à l’œuvre. Il devient le prolongement de l’esprit de l’homme, le lien qui unit son mental à celui de la femme.

Souplesse du poignet, précision du geste.La pointe touche la peau, l’effleure, la caresse, la pique, sans jamais l’ouvrir.

Une bulle se construit entre les deux partenaires, le silence se fait autour d’eux, le temps s’arrête figé par le rythme hypnotisant des langues de cuir qui tracent dans l’espace un chemin quasi magnétique.

Le dos devient rouge, seule marque d’une progression temporelle.

Parfois un claquement vient rompre le doux silence de cette danse à trois, l’homme, la femme et le fouet.

Ils sont unis par cette langue acérée et pourtant si douce à l’un et à l’autre. Douce pour elle parce qu’elle la guide sur des chemins émotionnels indicibles, douce pour lui parce qu’il à la joie de la mener sur ce chemin.

Il ne frappe pas pour lui, mais pour elle. Son plaisir est de comprendre le moindre de ses mouvements pour réajuster ses coups, les accélérer, les renforcer, les adoucir parfois, pour l’accompagner vers les sommets auxquels il aspire pour elle.

Il transpire, fait une pause, s’éponge. Son torse ruisselle, son effort est intense. Il sort de sa transe un instant pour se rafraichir, puis replonge dans leur monde, oubliant à nouveau en un instant tous les regards posés sur eux.

La séance dure.

Parfois la langue de feu se rapproche du corps de la femme et,  tel un serpent entour le corps en un éclair,  dans une tentative cinglante et brève de constriction, provoquant un frisson retenu et une sensation exquise qu’elle laisse se propager dans ses entrailles.

Elle reçoit le fouet avec bonheur, vidant sa conscience de toute retenue, elle n’est plus que ces sensations qui la parcourent chaque fois que la fleur de feu l’atteint.

Lui n’est plus que ce fouet. Toute sa conscience est projetée dans cette matière transmutée en un fluide qui jaillit de sa main , va et vient devant lui et, se transmet à sa partenaire par une pointe quasi invisible.

Ils se rejoignent dans cette pointe, qui à elle seule est tout leur univers.

Soudain ses jambes flagellent et plient, elle n’est plus tenue que par les poignées de cuir , les émotions ont eu raison d’elle.

Il se précipite, la détache, la porte, l’allonge, la réconforte, la caresse. Aussi attentionné dans la douceur de ses gestes maintenant qu’il était ferme et puissant lorsqu’il maniait le cuir.

Puis il l’assied, la prend dans ses bras. Ils vont rester ainsi de longues minutes, échangeant sans un mot leur amour, reprenant pied dans le reste du monde, heureux d’avoir exploré ensemble des contrées secrètes et magnifiques, unis par cette expérience indicible qu’ils partagent sans parler.

Un commentaire

  1. Wouah, bien que ce ne soit pas notre tasse de thé, je suis toujours subjugué par cette complicité extrême..👍👍👍

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